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Migration, apathie et opportunisme politique

Adrian Burtin
Traduit par Harry Bowden

Qui se soucie des migrants de nos jours ? C’est la question posée par la journaliste Annalisa Camilli dans le magazine italien Internazionale . Inquiétée par les naufrages des bateaux de migrants et l’apparente indifférence des Européens face aux morts terribles qui surviennent désormais régulièrement en Méditerranée – plus de 2 500 sont attendus en 2023 par quelques estimations – Camilli tente de démêler le raisonnement qui peut conduire à une telle apathie. « Comment sommes-nous arrivés ici ? », demande-t-elle. « Comment la catastrophe de Pylos, peut-être la plus tragique de l’histoire récente de la Méditerranée, n’a-t-elle même pas fait la une des journaux ? Comment pouvons-nous accepter cette perte d’intérêt de la part du public ?

Jeux politiques

Parmi les explications possibles, Camilli pointe du doigt l’instrumentalisation de la migration par nos élus. Dans El Confidencial, Nacho Alarcón résume un cas d’école survenu lors de la réunion informelle des dirigeants de l’UE à Grenade le 6 octobre. La réunion devait être l’occasion de discuter de l’autonomie stratégique de l’UE et de l’élargissement, mais elle a été détournée par la Hongrie et la Pologne pour exprimer leurs griefs à l’encontre de la politique migratoire de l’UE. C’était une occasion en or, note M. Alarcón, pour le premier ministre polonais Mateusz Morawiecki (Droit et Justice, PiS) de préparer le terrain pour les élections législatives du 15 octobre.

Parallèlement aux élections, un référendum à l’initiative du gouvernement devait également être organisé sur quatre questions, dont l’une demandait aux Polonais leur avis sur « l’accueil de milliers de migrants illégaux du Moyen-Orient et d’Afrique […] imposé par la bureaucratie européenne ». Le sondage a été largement critiqué pour son caractère trompeur et alarmiste, rapporte Alicja Gardulska pour le quotidien polonais Gazeta Wyborcza . En fin de compte, le 15 octobre s’est avéré être une date désastreuse pour le PiS, qui a remporté les élections mais a perdu sa majorité, et qui, le même jour, a vu les résultats de son référendum rendus non contraignants faute du quorum nécessaire.

Un triomphe de la conscience

Malgré quelques revers, les partisans de la ligne dure en Europe semblent avoir le vent en poupe, pour l’instant, tant sur le terrain que dans les esprits : selon un rapport Eurobaromètre réalisée en juin dernier, 24 % des Européens interrogés estiment que l’immigration est « l’un des deux problèmes les plus importants auxquels l’UE est confrontée ». Cependant, comme le soulignent Olivier Lenoir, Elena Maximin et Marin Saillofest dans une analyse exhaustive pour Le Grand Continent « en moyenne dans l’UE, seuls 19 % des gens connaissent la proportion d’immigrés non européens dans leur pays ». Ils poursuivent : « Dans aucun pays, plus de la moitié des personnes ne peuvent estimer correctement la proportion d’immigrés non européens. Et un tiers des Européens n’interagissent jamais avec un immigré (ou moins d’une fois par an) ».

Une autre étude, menée cette fois dans une douzaine de pays par le centre de recherche Midem de l’université de Dresde, révèle que la migration est l’un des deux sujets les plus polarisants pour les Européens interrogés, au même titre que le changement climatique.

L’impératif du respect des droits fondamentaux disparaît des débats sur la migration. Au contraire, la question devient un enjeu politique où les conséquences pour l’opinion publique – généralement mal informée – et surtout pour les exilés eux-mêmes, passent au second plan.

Des conséquences imprévisibles

Pour l’instant, la réponse de l’Europe semble être de serrer la vis, quitte à brader ses valeurs, à conclure des pactes avec des dictateurs ou à abandonner des personnes à leur sort en haute mer, comme le décrit Claudio Francavilla, de Human Rights Watch, dans l’article suivant Politico Europe . C’est jouer avec le feu. « Sacrifier les droits des migrants et des réfugiés pour un gain politique à court terme n’est pas seulement un choix immoral, c’est aussi une réaction en chaîne qui risque d’avoir un impact désastreux sur l’Union et ses valeurs fondatrices », prévient-il. « La prochaine victime de l’obsession migratoire du bloc pourrait bien être l’UE elle-même ».


Sur la migration et l’asile

Le viol, un élément presque inévitable de la migration » : huit femmes de Marseille s’expriment

Lorraine de Foucher | Le Monde | 18 septembre | FR (paywall)

Une étude publiée dans The Lancet portant sur 273 femmes demandeuses d’asile révèle que 26% d’entre elles déclarent avoir été victimes de violences sexuelles au cours de leurs douze derniers mois en France, tandis que 75% disent avoir subi des violences avant leur entrée en France. Le Monde publie huit récits bouleversants de demandeuses d’asile, chacun témoignant des dangers auxquels ces femmes sont confrontées au quotidien.

Des dizaines de milliers de réfugiés et des centaines de morts : La fin de la République du Haut-Karabakh

iStories | 26 septembre | RU

« À la frontière entre le Haut-Karabakh et l’Arménie, à l’extrémité du corridor de Latchine, une catastrophe humanitaire est en cours », affirme le site d’investigation russe indépendant iStories. Le rapport, réalisé dans la « zone tampon » où des médecins et des bénévoles tentent d’aider les réfugiés de la république non reconnue, brosse un tableau saisissant du chaos provoqué par l’offensive azerbaïdjanaise du 19 septembre.

À la recherche d’une nouvelle maison : Zorak

Ani Gevorgyan | EVN Report | 9 octobre | FR

Pour la publication arménienne EVN Report, Ani Gevorgyan dresse le profil d’un groupe de ces mêmes réfugiés du Haut-Karabakh qui ont trouvé refuge dans le village de Zorak. Dans un reportage photo, Gevorgyan raconte la vie brisée des villageois, mais aussi la solidarité dont ils font preuve, parfois à l’égard de personnes qui leur sont totalement inconnues.

Les Polonais ont été chaleureusement accueillis en France. Puis, lorsque le travail s’est tari, ils sont devenus « sales

Kaja Puto | Krytyka Polityczna | 14 octobre | PL

Dans cet entretien avec la journaliste Aleksandra Suława pour le magazine polonais Krytyka Polityczna, Kaja Puto retrace l’histoire des immigrés polonais qui se sont rendus en France au siècle dernier, notamment pour travailler dans les mines de charbon. Du premier accueil chaleureux à leur rejet pendant la Grande Dépression, cet épisode historique est étonnamment d’actualité.

Irréguliers, mais surqualifiés : Les préjugés européens excluent les migrants

Oiza Q. Obasuyi | Open Migration | 17 août | FR

Selon une étude publiée par la Vrije Universiteit de Bruxelles (VUB), les migrants sont victimes d’un préjugé européen selon lequel ils sont moins qualifiés que les travailleurs autochtones. Leurs diplômes et leur expérience professionnelle passée ne sont pas toujours reconnus à leur juste valeur, si bien qu’ils se retrouvent souvent à occuper des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés, explique Oiza Q Obasuyi pour Open Migration.

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